METRO BOULOT DODO ★

Kaori piquait lentement du nez. Sa tête tombait, tombait, jusqu'à ce qu’elle ne soit plus qu’un poids mort au sommet de son cou. Surpris, il redressait alors brusquement la tête, les paupières papillonnantes, vérifiant d’un coup d’œil furtif que personne n’avait remarqué qu’il fût en train de s’endormir. Le même manège durait depuis qu’il s’était avachit sur un  siège, au fond du métro. Bercé par les à-coups secs du wagon, ses yeux se fermaient d’eux-mêmes. La journée avait été longue. Réveiller aux aurores par l’imbécile de chat que son colocataire et accessoirement petit frère d’adoption avait décidé de recueillir, il avait passé une partie de la matinée à essayer d’écrire l’a parole d’une chanson, avant de se rendre à ses divers rendez-vous. Il n’était pas si tard, mais le jeune homme se sentait fourbu. Il n’avait qu’une envie, arriver enfin et s’étendre dans canapé devant une émission populaire ne nécessitant aucun effort de compréhension.  

Le train jaillit soudain de son tunnel, freinant dans un grincement sinistre pour s’arrêter devant le quai de la station qu’il venait d’atteindre. Terashima cilla, agressé par le brusque flot de lumière. Repérant le nom de la station, il reporta son attention vers le panneau indiquant le trajet effectué par la ligne. Il était monté à Roppongi et devait descendre à la gare d’Akihabara, à deux pas de chez lui. Son dernier travail de la journée consistait à enregistrée le générique d’un dessin animé pour enfant. Il avait dû chanter en compagnie d’un chœur de mômes braillant à tue-tête, contraignant l’équipe à réaliser un nombre impressionnant de prise avant d’en obtenir une exploitable. Il semblait au jeune homme que l’ensemble des voix aigue raisonnait encore dans sa tête, menaçant de la faire exploser tel un melon trop mûr. Soupirant, il se tassa un peu plus sur son siège, le front posé contre la vide dans l’espoir que le contact glacé le garde éveillé assez longtemps pour qu’il ne loupe pas sa station.

Le bruit sourd des portes qui se claquent réveilla Kaori en sursaut. Désorienté, le chanteur observa les alentour, cherchant à savoir où il se trouvait. Lorsqu’enfin il y vit un peu plus clair, son cœur manqua un battement. Il s’était encore endormit, et n’avait à présent aucune idée de quelle station le métro venait de passer. Furieux contre lui-même, il pria pour qu’Akihabara ne soit pas déjà derrière lui et avisa une jeune fille qui avait pris place face à lui. Il se redressa légèrement et frotta ses yeux brûlant de fatigue, avant de se pencher vers elle en se raclant la gorge.

« Excusez-moi, vous pouvez me dire quelle station nous venons de passer s’il vous plait ? » Demanda-t-il en se grattant la tête, embarassé.

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La jeune fille cilla, visiblement surprise. Elle ne s’attendait pas à ce qu’on l’interpelle, devina Kaori en se grattant machinalement la tête, embarrassé devant le trouble de son interlocutrice. Elle le dévisagea un instant encore avant de réaliser qu’il lui avait posé une question. Le jeune homme douta alors qu’elle sache y répondre tant elle avait l’air distraite. Il posa ses deux mains sur ses cuisses et se pencha en avant, encaissant une secousse vigoureuse du métro. L’engin avalait inlassablement des mètres et des mètres de rails dans un fracas inquiétant. L’idole craignait de ne pas entendre la réponse. La fille fini par se redresser un peu.

« Oui bien sûr, On vient de passer Kasumigaseki. » Indiqua-t-elle.

Kasumigaseki… Kaori dirigea son regard vers le panneau indiquant le trajet de la ligne. Il ne s’était assoupi quelques minutes finalement, neuf stations le séparaient encore d’Akihabara. Poussant un soupir de soulagement, il remercia silencieusement le ciel. Il n’avait réellement aucune envie de passer plus de temps que nécessaire dans ce train crissant. Dans quelques minutes, il pourrait enfin virer le chat de Rin du sofa pour s’y vautrer à sa place. Cette idée le ravie. Reportant son attention vers la jeune fille, il lui adressa un petit sourire reconnaissant.

« Quel soulagement, je n’ai pas loupé ma station ! Merci bien ! »

Comme elle ne répondait pas, il en profita pour la détailler, histoire d’éviter de se rendormir. Elle portait une veste qui lui était familière, et pour cause ! C’était le blazer de l’uniforme d’hiver de Saotome ! Une vague de nostalgie le submergea lorsqu’il reconnu les rayures bleues et vertes. Kaori avait étudié à l’Académie Saotome lui aussi. Il y avait suivit Rin dans l’unique but de veiller sur lui, heureux de pouvoir passer une année entière à étudier la musique. S’il n’avait jamais songé faire carrière dans ce domaine, intégrer Saotome était un bon prétexte pour s’amuser un peu tout en s’occupant de son frère adoptif. Dire qu’il était professionnel maintenant. Sa vie avait pris une bien drôle de tournure. Instinctivement, il chercha l’écusson sur la poitrine de l’étudiante, côté cœur. C’était celui de la Classe S. Lui-même avait été élève de la Classe B. Ces souvenirs le firent sourire. Il avait aimé étudier à l’académie et regrettait presque le temps où il n’était qu’un étudiant insouciant. Amusé, il adressa un large sourire à la jeune fille.

« Tu es étudiante à l’académie Saotome n’est-ce-pas ? Tu en as de la chance, c’est quand même quelque chose cette école ! Qu’est-ce que tu étudies là-bas ? »

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La jeune fille eu un sourire à l’évocation de l’académie. Elle acquiesça avec entrain, ce qui amusa Kaori. Lui aussi était toujours très fier d’être élève dans une si prestigieuse école.
« Je suis là-bas pour une carrière d'idole. Tu.. Tu as étudié là-bas ? »
Les lèvres du garçon s’étirèrent à leur tour. Une aspirante idole n’est-ce pas ? Cela ne l’étonna pas. Elle était élancée et jolie, avec sa chevelure dorée. Elle avait totalement le profil pour devenir célèbre, et après tout, si elle avait été acceptée à Saotome, c’est que sa voix ne devait pas être des plus désagréable non plus. Bien sûr, ces atouts ne faisaient pas tout, le talent et le travail jouaient beaucoup, Kaori le savait. Mais cette jeune fille avait déjà un bel avantage. Lui-même ne faisait pas spécialement idole. Bien sûr, il venait tout juste de faire ses débuts, mais son allure sage et son visage juvénile ne laissait pas présager chez lui une once de charisme. Il se passa sa main dans ses cheveux et s’enfonça un peu plus dans son siège.

« Oui, j’y ai étudié un an, maintenant je travail chez Shining Agency en tant qu’idole également. » Répondit-il en riant doucement.

Saotome attirait tous les ans toujours plus de rêveur. Janvier était la pleine période des examens d’admissions. Viendrait ensuite Mars, où une partie de l’agence serait réquisitionnée pour faire passer les auditions de fin d’année aux élèves de la promotion actuelle. Kaori doutait de faire partie du jury, seul les professionnels ayant acquis de l’expérience y étaient conviés. Le chanteur éprouvait une pointe de jalousie pour ses ainées. Il était très curieux de voir ce dont étaient capables les potentielles futurs recrues de l’agence. Quoi qu’il en soit, il devrait prendre son mal en patience.

Le métro freina brusquement. Kaori se laissa mollement partir en avant, las de résister aux caprices du train. Celui-ci vint s’aligner le long du quais pour s’arrêter totalement, laissant monter et descendre un lot de passagers. Dès que le métro se stoppa, le buste du garçon revint se caler contre le dossier. Il aimait se laisser porter par l’inertie, comme enfant lorsqu’il dévalait l’allée centrale, mi-courant, mi-plânant au gré des accélérations et freinage du train, ne manquant pas d’écraser de ci de là quelques pieds qui trainaient. Abandonnant ses souvenirs d’enfances, il reporta son attention vers la fille.

« D’ailleurs, moi c’est Kaori. Terashima Kaori. Enchanté ! Après tout, si tu es à Saotome, il a une chance qu’on deviennent collègues des les mois à venir ! » Lança-t-il avec un clin d’œil.

Bien sûr, tous les étudiants n’intégraient pas l’agence, seul les plus performant à l’audition de fin d’année y parvenaient, mais après tout, elle avait toutes ses chances !

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Les joues de la jeune fille s’empourprèrent. Kaori se sentit immédiatement gêné. S’était-il montré incongru ? Il n’était pas du tout d’un naturel séducteur, au contraire, il avait plutôt l’habitude de s’effacer. Honteux, il s’enfonça dans son siège comme pour disparaître. Il secoua légèrement la tête, laissant quelques mèches de cheveux tomber devant ses yeux pour se cacher derrière. Il se sentait tellement maladroit. Pourtant, son interlocutrice sembla bien vite reprendre contenance. Elle tendit une main vers lui. La jeune homme la contempla bêtement, immobile, la bouche entre-ouverte, un peu pris au dépourvu.

« J'espère bien. Moi c'est Amako, Amako Shimizu, ravie de faire ta connaissance ! »

Kaori mit quelques secondes à percuter qu’elle attendait qu’il lui serre la main. Il s’empressa la saisir, s’efforçant de sourire. Il était décidément trop fatigué pour réfléchir clairement. Relâchant les doigts fins d’Amako, il se rejeta contre son dossier, posant soigneusement ses mains sur ses cuisses en regardant le plafond.

« Je suis sûr que tu y arriveras si tu travailles sérieusement ! » La rassura-t-il avec un sourire.

Le métro poursuivait sa route, avalait des mètres et des mètres de rails, plongé dans un boyau qui n’avait jamais vu la lumière du soleil. Quelques à-coups venaient parfois perturber son rythme effréné. Deux stations passèrent, et le silence s’était installé entre les deux jeunes gens. Kaori, le font posé contre la vitre glacé, observait le couloir sombre qui défilait au dehors. Il avait hâte d’arriver, le trajet du retour lui semblait toujours trop long. Bien sûr, il ne comptait pas retrouver le calme chez lui. Rin serait sans doute déjà rentré, vautré sur le canapé, la télévision allumée avec le volume au maximum, en train de répandre les miettes de son goûter sur le tapis. Ou peut-être se sera-t-il mis au fourneau, massacrant la cuisine pour le bien de ses expérimentations culinaires. Quelque part, Kaori préférait la deuxième hypothèse. Il ferait bien volontiers la vaisselle et échange d’un des plats de son frère adoptif. Ce gamin avait vraiment un don pour la cuisine. Soupirant, le chanteur écarta sa tête de la vitre et reporta soudain son attention sur Amako. Elle lui rappelait un peut Rin au fond. Elle devait bien avoir quinze ou seize ans. Il regrettait un peu ce temps, où il était encore étudiant, sans trop de soucis. Travailler et vivre seul, c’était excitant, mais il fallait penser à tout, plus de parents, plus de professeurs pour vous reprendre. C’était à lui de s’en occuper maintenant. Avec Rin, avec ses futurs juniors du Cour Master. Peut-être pourrait-il même aider Amako, après tout.

« Tu sais… si tu as besoin d’aide pour étudier, ou même quand tu seras professionnelle, ça me ferait plaisir de te donner un coup de main, ou des conseils. Je n’ai sans doute pas de leçon à donnée, mais si tu veux… »

Laissant sa phrase en suspens, il saisi son sac et tira de la poche avant un petit carnet et un stylo. Il griffonna son nom et son numéro de téléphone sur une feuille avant de l’arracher du reste du bloc avec empressement.

« Tiens, mon numéro. Libre à toi de m’appeler ! »

La voix de l’automate raisonna soudain dans le wagon, faisant soudain émarger Kaori de sa torpeur. Akihaba était la prochaine station. Une vague de soulagement le submergea. Enfin ! Il se tendit le papier à Amako et se leva, lui adressant un sourire amical.

« Bien, c’est ici que je descend ! » Lança-t-il. « Ce fut un plaisir, Shimizu Amako. »

Il s’inclina légèrement devant la jeune fille, avant de tituber jusqu’à la porte du métro qui freina brusquement. Il se cramponna à la barre métallique jusqu’à l’arrêt du train, avant de presser le bouton qui lui livra le passage vers le quai. Il adressa un dernier regard à son interlocutrice, et fit une halte sur le quai pour regarder le métro s’engouffrer à nouveau dans les tunnels obscurs dans un crissement terrifiant, soulevant ses cheveux qui volèrent autour de son visage dans un parfait fouilli. Au fond, songea-t-il avec un petit sourire, il aimait le métro. On y faisait toujours des rencontre intéressante.