Une averse.Un torrent. L'apocalypse si l'on poussait l'intempérie à l'extrême. Qui serait assez fou pour s'aventurer sous ce déluge ? Kanra. Un parapluie noir classique d'une main et une valise surplombé d'un sac dans l'autre, elle ne pouvait faire qu'une seule chose : prier pour que la pluie s'arrête avant de voir toutes ses affaires trempées et bonnes à reposer pendant deux jours sur une corde à linge en plein air. Mais que faisait-elle là me dirait vous ? C'est une longue histoire. Ploc ploc ploc. La pluie qui était, à l'origine, fine et agréable s'était métamorphosée en un rien de temps en une averse incontrôlable. Indomptable. Comme une certaine cadette des Harata. Oh oui, on proposait à la belle Kanra de la conduire en voiture pour éviter de se mouiller davantage, on lui proposait même un café pour se mettre à l'abri en attendant que le temps redevienne docile, mais chaque proposition se terminait avec un « Non merci. » Elle avait une préoccupation bien plus importante que les gouttes de pluie ruisselant sur ses fines épaules. Une adresse. Un lieu. La chance de sa vie pour se racheter. Voilà ce que Kanra avait en tête. Elle n'avait aucunement l'habitude de stresser, mais là, il s'agissait d'une autre paire de manches.

Harata Akihisa était sa sœur cadette, la petite dernière à qui on a consacré qu'une infime partie de temps. Un fossé. Un gouffre séparé les deux demoiselles. D'un côté, il y avait la fille chouchoutée, aimante, à qui on avait tout cédé. " La princesse Harata " comme disait son père. Puis de l'autre, il y a Akihisa. Celle qui devait à la base, être un garçon. Celle à qui on en a beaucoup demandé, à qui on en a trop demandé. Kanra aimait sa petite sœur, elle voulait prendre sa défense, se dresser contre l'autorité maladive de ton paternel, mais Kanra n'était pas aussi forte qu'aujourd'hui. Elle se taisait, voulait rendre sa famille heureuse et voir d'autres horizons. Alors se dresser contre la personne qui l'a plus soutenue dans sa scolarité et dans sa carrière ? Elle ne pouvait l'imaginer. Ploc ploc ploc. Retour sur terre. Kanra voulait se racheter et c'est aujourd'hui même que tout aller se jouer ! Ayant préalablement fait un détour dans une pâtisserie renommée de Tokyo pour y acheter un savoureux et fondant gâteau à la pistache, elle continua sa route qui l'a rapproché petit à petit de sa sœur. On pourrait croire qu'elle fait un sister complexe, mais non ne vous inquiétez pas. Arrivée dans le fameux quartier d'Akihabara, la belle chercha la résidence A où résidait sa sœur. Était-elle au courant de sa venue ? ... Non. Plus elle montait les marches, plus la salive lui manquait. Cela faisait une éternité qu'elle ne l'avait pas vue en vrai, qu'elle lui avait adressé la parole. Elle était donc arrivée. Plantée devant la porte verte, elle prit une grande inspiration, histoire de se calmer le temps de toquer trois fois à la porte. Elle ne toquait pas comme tout le monde non. Tapant une fois avec sa phalange, elle laissa une pose de quatre secondes avant de toquer successivement deux fois, puis, elle vint annoncer d'une voix douce et adulte : « Aki-chan? C'est moi, Kanra. »

Elle se disait qu'Akihisa n'avait que de vagues souvenirs de leur enfance ensemble, des bons moments passés à lui apprendre à marcher et spécialement, quand cette étape magistrale fut enfin atteinte, elle lui apprit à danser. C'est-à-dire tout simplement à sauter en secouant les bras dans tous les sens sur l'immense trampoline familial. Elle était adorable... La bonne époque me dirait vous. En effet. La nostalgie, un sentiment vieux comme le monde, mais qui laissa toujours un arrière-goût d'amertume dans la gorge de notre demoiselle aux mains bien encombrées. Le passé, elle voudrait le modeler à sa manière, reconstruire ce qui fut mal bâti et corrigé certaines erreurs qui auraient pu être évitées avec un peu de recul. Mais mademoiselle Harata, malgré sa notoriété bien avancée, ne dispose guère de la DeLorean DMC-12 du film Retour vers le futur pour changer tout cela. Non. Elle ne dispose maintenant que de sa propre volonté pour ériger un futur meilleur pour elle et surtout, meilleur pour sa sœur. La pluie tombée à flot à l'extérieur du bâtiment et la verte en avait fait les frais. Le parapluie trempé posé à côté de la porte, elle avait enfin pu libérer ses mains qu'elle fit craquer sans perdre une minute. Un réflexe que bien des gens ont.

Kanra venait de frapper à la porte. Elle ne pouvait plus faire marche arrière. Le dos droit, venant se rhabiller correctement, elle attendit d'entendre le grincement du verrou avant de voir une partie de visage s'extirper de l'appartement. Elle resta silencieuse. Son visage, ses cheveux... Une mini Kanra avec des yeux si scintillants. Était-ce à cause de la lumière du couloir? Probablement. Elle vint donc reprendre la boîte du gâteau entre ses mains, cachant derrière elle sa valise encombrante. Elle avait l'air... Endormie ? Un peu. Cela la fit quelque peu sourire, mais elle perdit bien vite celui-ci en l'entendant parler. Qui était-elle ? Venait-elle vraiment de lui dire ça ? Kanra ne put s'empêcher de soupirer longuement.

« Bien. Refaisons les présentations. Je m'appelle Kanra Harata, ta sœur aînée. » Toujours d'une voix calme, elle poursuivit ses paroles après avoir jeté un coup d'œil rapide dans le petit espace fait par la porte avant de reposer son regard si particulier sur la petite femme. « Je vois que tu vie seule, ça m'arrange. Je viens emménager chez toi. »