Un, deux, trois et quatre. A droite, puis à gauche, en haut. Recommencer. Ne pas oublier les bras. Suivre le rythme. Un mouvement de tête et encore recommencer. La danse n'était pas un domaine que maîtrisait parfaitement Masato, cependant il s'entraînait avec tant d’assiduité et de sérieux qu'il parvenait à caler les mouvements de son corps sur la musique. Et plus une mélodie lui plaisait, plus danser devenait facile. C'était surement pourquoi les chorégraphies du groupe Starish, celles qui se faisaient sur les compositions de Nanami, étaient les plus réussies. En cette fin de matinée cependant, le pianiste n'avait pas le bonheur de danser sur des chansons de la demoiselle. Il avait lui-même pris cette décision, sachant pertinemment qu'il fallait s'entraîner dans des conditions plus difficiles pour obtenir le meilleur de lui même et pouvoir progresser. Après une quarantaine de minutes de pratique le jeune idole s'accorda une pause. Récupérant la petite bouteille d'eau qu'il avait apporté, il but une longue gorgée, essoufflé. Versant un peu d'eau dans sa main il se rafraîchit le visage avant de se sécher à l'aide d'une petite serviette beige. Consultant l'horloge de la salle, il s'aperçut avec étonnement qu'il était déjà midi passé.

Un quart d'heure plus tard, Masato se trouvait tout au bout du petit chemin qui permettait d'accéder à l'agence Shinning. Il avait attendu, près de dix minutes, à côté des diverses boites aux lettres de l'agence, dans l'espoir de voir arriver le facteur. Malheureusement rien ne vint. Décidant de passer son impatience d'une façon plus productive, il s'était mis à marcher, improvisant une petite balade. Et c'est alors qu'il marchait doucement, observant avec une curiosité tranquille les arbres et oiseaux des alentours, qu'un bruit sourd le surprit. Marchant un peu plus vite, il tomba sur une scène qu'il ne mit guère longtemps à comprendre. Le vélo sur le sol et l'adolescent qui allait vers ce-dernier en trottinant, tout cela indiquait une chute. On conseillait aux idoles d'être toujours prévenantes, gentilles, de faire attention aux autres, Masato n'avait cependant pas besoin de son statut d'idole pour s'inquiéter sincèrement de l'état de ce jeune garçon.

Besoin d'aide ?

S'avançant d'un pas plus pressé qu'auparavant il se pencha vers l'inconnu aux traits fins avant d'observer son vélo. Hm. La mécanique n'était pas son fort, mais à deux, ils arriveraient surement à remettre en route cette bicyclette. Soudain, un mouvement brusque de la part du cycliste fit relever les yeux bleus de Masato. Etonné un instant, il se reprit, évitant le regard de son interlocuteur et allant s'accroupir près de l'engin infernal.

Oui, en effet. Sans plus attendre il ajouta. Tu ne t'ai pas fais trop mal ?

Masato observait toujours le vélo dont une des roues semblait avoir pris un mauvais choc. Portant une main à son menton, songeur, il se questionnait sur la location du problème et sur la manière dont ils arriveraient à le résoudre. C'est alors qu'il entendit, un peu plus loin, la réponse de l'adolescent, si il allait bien, tant mieux. Le pianiste était aussi soulagé, dans un coin de son esprit, de voir que le petit d'homme ne faisait aucune remarque sur sa situation d'idole. Les dernières rencontres d'Hijirikawa s'étaient soldées par une avalanche de questions toutes plus dérangeantes les unes que les autres. Peu importe. Se concentrant toujours sur la roue déficiente il s’aperçut qu'une petite pièce s'était perdue, pile à l'instant où le jeune garçon en faisait la remarque. Acquiesçant vivement il se mit à parcourir le sol de ses yeux bleus, espérant de tout cœur repérer le petit bout de ferraille qui manquait à l'appel. L'adolescent prit de nouveau la parole, lui disant de s'éloigner plutôt que de rester à l'aider, conseil qui bien évidemment, déplut au pianiste.

Ne dis pas de bêtises.

A quatre pattes sur le sol, Hijirikawa cherchait donc le petit bout absent quand il tomba sur la sacoche pleine de lettres. Battant des cils un instant, surpris, il se retourna ensuite vers le cycliste.

Tu es le facteur ? … détournant le regard, il finit en chuchotant Voilà une raison de plus de t'aider !

Sans attendre une quelconque réaction, il reprit ses recherches intensives. S'arrêtant un instant il observa la route et décida que si la pièce avait roulé, elle avait forcement du aller du côté de la pente. Se dirigeant de ce côté-ci il s'écarta un peu de la route quand le reflet d'un éclat du soleil vint lui agresser la rétine. Cherchant ce qui avait provoqué ceci avec un enthousiasme renouvelé il mit la main sur un petit bout de ferraille le relevant d'un air victorieux.

Je crois que j'ai trouv... Non.

Le regard plus blasé qu'à l'ordinaire, Masato plaça dans sa poche l'opercule d'une canette qu'il venait de trouver. En plus de lui donner un faux-espoir, la personne qui l'avait jeté là n'avait aucune conscience écologique et c'était un trait de caractère qui tendait à désespérer l'idole.

Bien. Malgré le faux espoir qu'avait laissé en lui cette maudite opercule de canette, Masato continuait sa recherche vaille que vaille. Après tout, il avait un citoyen à aider et qui plus est un petit d'homme au visage encore un peu rond, aux yeux grands pleins de merveilles. Voilà bien une personne à ne pas abandonner. Peu importe s'il salissait son pantalon, s'il abîmait un instant les paumes de ses mains. Peu importe aussi s'il perdait du temps sur son entrainement. Aider les gens, lui avait toujours fait plaisir. C'était peut-être un peu égoïste comme façon de voir les choses, mais il sortait toujours d'une bonne action le cœur léger et le bonheur au bord des lèvres. Alors qu'il cherchait encore et encore, Hijirikawa prit conscience de la question du jeune garçon. Se tournant vers lui un instant, avant de détourner ses prunelles bleus sur le sol, il y répondit donc.

J'attend une lettre du facteur. Réalisant son erreur, il reprit bien vite, Enfin … de toi.

Comme voulant s'excuser de cette erreur, il se rattrapa. A sa manière. Diffusant une information que le jeune homme aimerait peut-être savoir. Certaines personnes disaient que s'ouvrir à autrui, leur parler de ce qui nous préoccupe, ce qui nous anime, tout cela permet de créer des liens. Apparement. Alors bon.

J'attend une réponse, pour un casting.

Il se remit à chercher quand la voix douce du jeune garçon atteint ses oreilles. Se redressant sur ses genoux, il cligna des yeux, l'observant qui arrivait à pas tranquilles. Levant la tête et le regard pour l'observer, il fit la moue d'un air désolé. Alors qu'il baissait les yeux de nouveau, il tomba nez à nez avec la méchante égratignure qui tachait le genoux blanc comme neige du petit facteur.

Tu es blessé !

Fronçant les sourcils, un air sérieux, presque fois sur le visage il réfléchissait. Comment réagir face à cette situation de la meilleure façon qui soit …

J'ai une idée. Temps de pause. Tu n'as qu'à aller jusqu'à la Shinning Agency a pied, en faisant rouler ton vélo. Je te suivrais pour vérifier que tout ailles bien. Une fois là-bas tu pourras poster tes lettres et pendant ce temps j'irais chercher de quoi te soigner. Puis, pendant que je te soignerais, je demanderais à quelqu'un d'aller voir dans le garage de l'académie si ils n'ont pas la pièce qui manque à ton vélo. De cette façon tu pourras repartir le plus vite possible et en forme.

Tout avait été dit sur un ton monotone, didactique. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas parlé comme ça..