❝  Grave au plus profond de mon âme
La peine qui a été mienne jusqu'à la mort ❞

Il vit les regards de ces inconnus, scrutateurs de personnages, de noms qui disparaissent aussitôt dans les airs. Madame, monsieur. A dix ans révolus, le gamin arrivait à peine à la taille des adultes qui l’entouraient désormais. Pour autant, il continuait les jeux agréables de l’insouciance enfantine, les courses dans les pièces de la maison et les veillées sur les jeux avec ses parents. Voilà là, une belle relation entre parent et enfant.

Yukito posa sa tête sur ses mains jointes, posées elles-mêmes sur la pierre froide de la fenêtre. Les gouttelettes de pluie dégoulinaient sur le carreau, et allaient s’échoir sur le rebord. L’air était humide, saturé, et empêchait d’avoir sur ce qui semblait dans sa prime jeunesse comme le précipice qui l’éloignait. La maison était assez éloignée de tout et jetait son ombre souveraine sur les alentours. L’enfant plissa les paupières et son reflet lui renvoyer ce regard. Teinté d’appréhension. Le même qu’il posait sur chacun des éléments de ses nouveaux environnements, à chaque fois. Et il avait traîné dans les pas et dans l’ombre de son père, celui-ci se contentait de beaucoup de parole à son égard. Même des échos résonnant à intervalle régulier, formant une plate mélodie dont l’origine gagnait les profondeurs de son thorax. L’encre de ses yeux si bleus avait une couleur si clair, parsemés et entremêlés de sillons bleuâtres, plus clair et colorés qu’autrefois.

Quand à  sa mère, celle-ci semblait avoir jeté son dévolu sur son seul et unique enfant, décidant de l’éduquer au mieux. Non pas que la relation entre eux n’est point fructueuses, bien au contraire, mais un petit quelque chose gêne. Chacun qui se dissuade simplement de la nature du petit oisillon et son œil, mais aussi parce ces parents ne savaient pas ce que leur oisillon allait devenir. Il se retrouve donc à réfléchir des heures durant, allongé sur son large lit dur, aux couvertures bordées de bleus reflétant le ciel et la mer, ou bien à aventurer sa tête à l’extérieur de la chambre, épiant les moindres activités de ce qui pouvait se passer par là.

Les jours s’alignaient et même si les lieux semblaient toujours s’enraciner au fur et à mesure en lui, comme en chacune des personnes présentes, il avait fini par s’y faire, faute de pouvoir espérer encore fois une fois un quelconque changement. Du moins, en partie seulement. Les petits événements reprenaient la main sur le quotidien. Il savait que cette situation n’était vraisemblablement normale et se débrouillait toujours pour s’éclipser. Son regard plein de questions, certains disaient qu’il y avait là une sagesse que l’on ne devrait apercevoir dans les yeux d’un enfant, il se contente d’en hausser les épaules. Son regard croisa de nouveau une fenêtre sous le tintement de pluie incessant. Il porta sa petite paume à sa pupille bandée. Voilà la véritable cause. On lui avait souvent annoncé que c’est une heure ou tout peut arriver. Ou tout doit arriver. L’impossible. Ou bien, un miracle ou même encore un drame ou une absurdité. Il n’en croyait pas un mot. Tout peut arriver.

~  SI LA FATALITE EST DE ME NOYER, LAISSEZ-MOI SOMBRER AU PLUS PROFOND.

C’est sans aucun doute fascinant, en tout cas, pour ses grands yeux bleus d’enfant. A onze ans, découvrant ce qu’il peut partager. Ses pupilles s’élargissent, geste d’un art que seules ses émotions en dent de scie peuvent saisir. Toujours. Et ce mot « wouah » qui résonne. Curieux, joyeux. Son calme se fracture, le masque s’éparpille, se fendille. Terrible, muette et terrible incompréhension, puis de la joie qui le prend aux tripes. C’est quelque chose d’étrange. Une parole pour le contrôle et un doigt pour le geste. Il en finit agité, pleins de questions en tête, qui va bientôt le balayer d’un souffle, le traînant au cœur des chimères. Des cris stridents qu’il n’entend que comme un écho, avec les autres à ses côtés. Parce que le silence en devint irritant, parce qu’il veut encore voir ses idoles chantaient et la musique résonnait.

Ils auraient aimé être un accord lourd, un bruit menaçant. Il n’y a qu’un son qu’il entend de loin, qui intimide. Il n’est qu’un corps trop normal pour être banal. Il ne peut pas changer, il ne peut se transformer en quelque chose de plus immense, de plus fort. Il n’est qu’une petite conscience sans acte, sans grand espoir. Pourtant, il n’arrive pas à s’y résoudre. Il n’a pas assez de cran, il sait que cela est mal. Il n’y a plus assez de fougue. Il voit bien de son œil apeuré qu’ils sont dubitatifs, qu’ils semblent réfléchir à ce qu’il leur propose. Ils ne possèdent pas seul cri menaçant, ni un acte qui suit, ils ne sont que des interrogations envers l’inconnu. Quand bien même ses lèvres tremblotent en de misérables excuses, il ne perçoit que des silhouettes évoluant dans le plein immatériel du néant. Sans doute sera-t-il difficile de voir à nouveau ces idoles, au combien est-ce plus difficile pour les parents de le voir en facteur.

Il voit bien que la vue d’un jugement éveillé n’était pas prévue. Que la surprise a fragmenté l’esprit du petit oiseau sans jamais la détruire. Qu’il s’est simplement rapprocher à lui-même pour ne pas se noyer dans une mer de grandeur et rêve infâme. Mais il entreprit tout de même ce petit métier. Toujours avec le sourire.  

***

Ce n’est pas un talent, ce n’est pas un don non plus, seulement un moyen d’exorciser ce qui le hante, ce qui le tracasse. Mâcher. Souffler. Pop. Mâcher. Souffler. Pop. Nova se mit à loucher sur l’énorme bulle de chewing-gum bleu qu’il s’appliquait à en faire la plus grosse possible, avant de vouloir l’éclater pour qu’elle lui colle au menton. Pop. Pop. Pop. Pop. Pop. Pop. Le chewing-gum perdait naturellement de son goût, mais il continuait inlassablement et avec acharnement, sans faire attention à ce qu’il se passait autour de lui. Il ne voulait pas se concentrer. Il ne voulait pas réfléchir, cela le fatiguait, de tout devoir classer, chaque chose à se rappeler, qu’il sentait et renvoyer tout cela dans les compartiments de sa mémoire. Juste faire, pop. Forcément, réaction peu ouverte de ses parents. Réaction désabusée. Mais bon, ces parents étaient compréhensifs et tant que l’oisillon était heureux, tout leurs convenaient.

Gardait un plomb tel un robot, caché sous un cœur palpitant. Sans doute ne pouvait-il s’empêcher d’esquisser un sourire à l’énoncé d’un nouveau colis à envoyer pour ce petit oisillon. Même sourire qui ne disparut pas sous le sentiment de patriotisme de ses parents à son égard, heureux qu’il soit heureux dans ce petit travail. Liberté. Soulagé. Il ne voit que d’un œil certes, mais il voit une chose à la fois. Toujours avec le sourire.
 

❝ Somewhere Down  the  l i n e
I lost that part of me that’s p u r e ❞

Tout n’est qu’un comportement infondé. A se référer aux murmures, Yukito est volontiers ouverts aux autres et très souriant, mais le cerner semble difficile. De plus, lui faire titiller une curiosité est aussi simple que faire ses lacets. C’est un petit oisillon qui se cache sous un épais manteau de son ambiguïté.

Que le petit soit l’adjuration du gentil ou petit bagarreur, il n’apprécie vraisemblablement pas d’être considéré comme un des plus jeunes sous ce faciès dit « mignon ». Mais la vérité est souvent mise à nue, flanquée devant les grand iris azurés du petit. Même s’il ne possède pas un air de lumière, il a tout aussi l’air dangereusement malin. Ce sont toutes les hésitations et les fausses réponses qui lui permettent de mieux cerner l’individu se trouvant en face de sa personne. Peut-être est-ce une façon de se protéger, lui et ses sentiments.

Pourtant, Yukito n’est pas totalement insensible. Il possède une conscience seine et une jeunesse aux attributs qui ont le bénéfice de la fougue, la légèreté, l’allégresse. Une âme mouvementée et un sourire triomphant et content. C’est un jeune qui essaie de braver les plaines désertes à grand coup de pied dans l’indifférence du monde. On avait beau essayer de braver son petit cœur, le plomb y est bien encré, mais qui se relève au gré de ses émotions et des battements frénétiques se rebellant.

Mais Yukito est aussi pudique, il se protège de tous sentiments. Ce n’est qu’il n’y a jamais eu une once de mal dans ses actions, loin de là. On n’a jamais senti une brise aussi rafraîchissante qu’avec ses saluts énergiques, que ses sourires chaleureux. Ses épais cheveux bruns subissent sa dynamique vie, vivifiés par la fougue cachée du petit jeune, emportés dans la folle vague de son énergie débordante.

Il est sensé et raisonnable, pragmatique et mesuré. Zélé. A son image. Car oui, s’il devait accomplir quelque chose, il le faisait toujours pleinement, et sans rechigner à la tâche. Se prendre la tête sur un problème ne le dérange vraisemblablement pas, ni avec les personnes l’avoisinant. Mais cela peut lui arriver de perdre son calme et en fonction de la situation, assez facilement.

❝ Dɪʀᴛʏ ʏᴏᴜʀ ʜᴀɴᴅs﹐ ᴄʜɪʟᴅ
Fᴏʀ ᴛʜᴀᴛ·s ᴛʜᴇ ᴏɴʟʏ ᴡᴀʏ ᴛᴏ sᴜʀᴠɪᴠᴇ
Wʜᴇɴ ʏᴏᴜ·ᴠᴇ ʙᴇᴇɴ ʟᴇғᴛ ᴛᴏ ᴅɪᴇ ❞

Il paraît que les yeux sont la porte de l’âme. Un voile de mystère couvre les prunelles azur et profonds de ce petit, elles donnent une sensation d’une douce caresse lorsqu’elles en croisent d’autres. Ses iris bleutés envoûtent les attentions en détaillant les individus dans une lueur frêle et pensive, qui est cependant tâché d’une ombre délavée, d’une âme quelque peu éteinte. L’eau d’une rivière coule tout comme un sourire peut saisir son visage, et illuminait ses yeux si bleus. Ses cheveux font écho à l’azur de son œil, qu’il cache tout de même. Il préfère le cacher sous cette épaisse crinière, parce que les individus ne remarquent pas son bandeau, signe d’un accident malheureux.

Pour ne pas être stigmatisé, pour ne pas entrer dans une de ces innombrables boites des émotions engendrées par un effet. Yukito, il aime le bleu. Il aime le bleu reflétant le ciel, le bleu émergeant de la mer, le bleu du saphir.

Yukito, il a une gueule d’ange, on le lui a répété tellement de fois. On lui a aussi dit que cela ne durerait pas. Mais lui il s'en fout, il a quatorze ans, tout va bien et il ne voit pas pourquoi ça changerait. Puis il a beau avoir la gueule, la taille ce n’est pas ça. Il a toujours été très petit, ça lui a valu des moqueries et il complexe un peu là-dessus.

Parce que si les gens ouvrez un peu plus leurs pupilles, qu’ils fixent la foule avec minutie, les personnes le trouveront forcément, la petite silhouette élancé se faufilant entre les passants. Et puis on se demande comment il fait pour être aussi mince avec toutes les sucreries qu'il dévore à longueur de journée. Ces sucreries colorées contrastant avec la peau laiteuse de son visage, de ces douces joues.