Let's play fair and square

Quelle belle période que celle du Sakura Matsuri ! Alors que les fleurs de cerisier se dévoilaient majestueusement sur le bout des branches, les gens faisaient des va-et-viens sur les chemins en-dessous, admirant leur beauté. Pour ne pas se démarquer du reste c'était aussi le cas de Sayuri, qui appréciait particulièrement rester allongée des heures sous un arbre à regarder les pétales s'envoler avec le vent. Un après-midi, alors qu'elle s'ennuyait comme jamais, elle décida de s'éclipser de sa chambre pour aller faire un tour dans la ville malgré la chaleur étouffante. Vêtue à ce moment-là d'une simple robe dans le style kuro lolita elle ressentit bien vite le besoin d'en changer. Pourquoi ? La raison était sous son nez : il y avait une allée de stands érigée face à elle, ce qui signifiait qu'il y avait un festival. Selon Sayuri, pour un festival, il était primordial de porter un yukata, comme si c'était le code vestimentaire pour un tel événement. Malgré le vent chaud la blonde se mit à courir aussi vite qu'elle en était capable afin d'aller se changer dans sa chambre. Elle s'arrêta quelques instants devant le miroir après avoir opté son yukata noir à fleurs rouges et attaché ses cheveux en deux longues nattes, se demandant si elle n'était pas un peu trop enthousiaste et stupide.

Après un long moment de réflexion elle repartit vers le festival, se disant qu'il valait mieux ne rien changer. Dans le pire des cas elle se ferait passer pour Fumie si on la remarquait, ou elle se montrerait désagréable afin de repousser les gens. Cependant elle considérait que c'était bien vaniteux de la part d'une ombre que de penser qu'elle sortirait du lot, qu'on la verrait ou même qu'on l'aborderait. Alors comme toujours la jeune fille comptait se fondre dans la masse, ne pensant ainsi qu'à se distraire et à grignoter tout ce qui pouvait lui tomber sous la main. Elle avait bien en tête une liste précise de ce qu'elle ne voulait absolument pas rater, et elle commença à la compléter bien vite. S'avançant dans la foule Sayuri se dirigea bien vite vers un stand pour s'acheter une barbe à papa. Très vite les rires des enfants parvinrent à ses oreilles, la rendant à la fois heureuse et meurtrie. Oui elle aimait beaucoup les petits, oui elle avait souhaité autrefois en faire son métier... seulement elle avait abandonné ce rêve pour se dédier entièrement à sa jumelle. Alors elle l'avait jeté dans un coin sombre de sa tête, sauf que chaque fois qu'elle voyait des enfants s'amuser elle ne pouvait pas s'empêcher d'y repenser... stupide petite chose.

Ayant cependant un semblant de sourire sur les lèvres Sayuri s'éloigna, ayant longuement regardé un jeune garçon s'amuser en étant perché sur les épaules de son père. Du coup elle se disait qu'il avait tout de même de la chance, et qu'elle aussi aurait aimé pouvoir prétendre être aussi proche de ses parents. Plongée dans ses songes, mordant avidement dans son délice sucré, elle en vint à heurter quelqu'un tant son attention était portée disparue. Aussitôt fut-elle les fesses au sol qu'elle prit une pose des plus féminines et gracieuses, probablement plus par habitude que par volonté de faire bonne impression. Fronçant un peu les sourcils au départ à cause d'une légère douleur dans le bas du dos Sayuri daigna finalement lever la tête vers la responsable de sa chute. Elle ne ressentit cependant aucune once de colère, comme à son habitude, mais cela s'accentuait par le fait qu'elle pensait qu'il s'agissait d'une enfant. Elle devait bien faire moins d'un mètre cinquante et était plutôt frêle, cette impression se renforçant à cause de la longue chevelure mauve de celle-ci. Pendant un instant la jeune fille eut l'impression d'avoir une poupée vivante devant elle, mais elle désenchanta bien vite : elle se sentit dévisagée, ce qui ne lui plu guère.

« Excusez moi, je ne vous ai pas vu arriver... Je ne vous ai pas fait mal? »
« Tout va bien je suppose, je n'ai rien de cassé. »

Tout doucement Sayuri se releva, tapotant sur son yukata à l'aide de ses deux mains pour en ôter la poussière. Et c'est là qu'elle réalisa le plus dur : sa barbe à papa lui avait filé des doigts. La cherchant partout aux alentours, elle finit par l'apercevoir écrasée au sol, piétinée par quelques passants. Ce fut pour la jeune fille comme un coup de poignard droit au cœur, qui eut l'air désespérée devant sa gourmandise profanée. Ohh, elle allait lui payer pour sûr... mais d'une manière assez surprenante. À la recherche d'une idée elle tourna la tête de multiples fois avant de porter son attention sur un stand pour l'instant vide. Et si elle la provoquait en duel, avec comme prix un nouveau met sucré ? Mais quel bonne idée ! Rien de mieux qu'un combat d'égal à égal pour régler cette histoire, parce que dans le fond Sayuri ne savait pas si c'était elle qui était à blâmer pour son manque d'attention, ou l'autre jeune fille qui l'avait bousculée soi-disant parce qu'elle ne l'avait pas vue – ce qui lui semblait très peu logique si elle prêtait attention à ses pas, parce que la blonde était plus grande qu'elle –.

« Ma barbe à papa est fichue.... je vous propose donc un duel équitable pour régler ça. La perdante devra payer à manger à la gagnante. Je ne tolérerai aucune tentative de fuite. »

Pour montrer qu'elle était parfaitement sérieuse elle pointa du doigt le stand qui l'intéressait particulièrement : il s'agissait de celui de pêche. Oui, vraiment. Sans plus attendre elle se dirigea vers celui-ci d'un pas assuré, n'ayant pas peur de perdre : elle avait confiance en ses doigts habiles. Et puis, dans le pire des cas, elle avait de quoi payer, si ce n'était pas merveilleux ! Sauf qu'elle avait bien envie de conserver cet argent pour pouvoir s'acheter encore tout un tas de sucreries au passage. Résultat cette compétition c'était juste un moyen de pouvoir avoir un peu de compagnie pour passer le temps, à défaut d'avoir pu embarquer Fumie avec elle. La jeune fille espérait réellement que la plus jeune accepterait son défi, parce qu'elle avait bien envie de tuer l'ennui qui la collait et ses souvenirs douloureux qui étaient revenus la hanter lorsqu'elle avait croisé ces enfants heureux. Parfois elle s'en voulait d'embarquer les gens dans ses idioties et elle se sentait réellement égoïste, mais c'était devenu un masque important pour elle si elle souhaitait conserver son petit monde sûr. Mais peut-être ferait-elle exception cette fois-ci, peut-être parviendrait-elle à s'amuser avec quelqu'un d'autre que sa sœur jumelle... enfin, ça restait encore à prouver.