Feat. Eria S. Akisa
« Bordel ! Bordel, il est déjà 13h ! »Une voix hurla ces mots, provenant de l'étage pour retentir jusqu'au rez de chaussé. Des bruits de pas, des vociférations de mécontentement, des couvertures dépliées... Un vacarme se fit entendre, comme si une pile d'objets tombait, puis un jeune homme torse nu dévala les escaliers ─ à noter qu'il faillit maladroitement se casser la figure ─ tout en enfilant négligemment une chemise blanche. L'air agacé peint sur son visage ne suffisait pas à retranscrire toute son irritation. Si Rin n'était pas du matin, il détestait tout autant se réveiller tard dans la journée.
Il avait cette sale manie dont il ne pourrait sans doute jamais se défaire : se lever tous les jours en retard ou en milieu de journée. Rin était plutôt paresseux et par conséquent était un grand dormeur, alors tous les matins ne faisait que se reproduire la même bêtise. En retard, en retard et toujours en retard, et qui le réprimandait ensuite comme un gamin ? Nii-san, toujours nii-san.
« Kaori, teme ! Pourquoi tu m'as pas réveillé ! » siffla d'un ton rageur Rin.
Rin soupira en voyant qu'il était seul dans l'appartement et se promit intérieurement de lui en toucher deux mots. Il se hâta vers la salle de bain, attrapant dans un geste brusque sa brosse à dent et du dentifrice. Il pesta une nouvelle fois en sentant les mèches de ses cheveux lui retomber sur les yeux, puis quitta la salle d'eau une fois qu'il eut fini de se brosser les dents. Vraiment, comme ça pouvait être atroce ces réveils retardés. Tous les matins, c'était le même bordel, et Ô combien Rin adorait dormir ! Il détestait cependant l'heure du réveil.
Le brun enfila maladroitement ses chaussettes, marchant à cloche-pied afin de ne pas perdre de temps, puis il se pressa de mettre ses chaussures. Il s'empara de sa cravate sur son lit et tenta tant bien que mal de la nouer autour de son cou.
« Mais comment on noue ce machin ?! » s'écria Rin tout en prononçant de nombreux mots tous plus colorés les uns que les autres.
Il abandonna après de nombreux et infructueux essais, se disant qu'il s'en passerait bien. Après tout, il n'allait pas à l'école aujourd'hui, alors pourquoi il s'entêtait avec ces idioties ? L'adolescent se saisit furtivement de sa veste noire et de son manchon rouge qu'il passa derrière son épaule, puis sortit au pas de course de son appartement. De toute façon, Kaori ne dirait rien s'il ne fermait pas la porte. Ouais, rien à craindre.
Rin soupira en sentant le vent frais de l'extérieur lui caresser la peau et déranger ses mèches. Son dos lui faisait mal et il sentait qu'à chaque instant, il pouvait basculer et tomber à la renverse pour se casser la figure par terre. Un nouveau soupir traversa la barrière de ses lèvres, tandis qu'il enfonça ses poings dans ses poches, visiblement contrarié. Est-ce que Kaori se rendait-il compte ce que cela pouvait faire ? Ses insomnies et ses cauchemars le rattrapaient au fil des jours. Il revoyait sans cesse le visage de son père dans ses hantises, et ceux de multiples démons bien décidés à lui pourrir la vie. Rin ne mettrait sans doute jamais Kaori au courant de ses problèmes. Non, c'était pas un gamin, il avait pas besoin de lui pour s'occuper de ses soucis.
Rin passa sa langue sur ses dents pointues. Il faisait toujours aussi froid, et la buée glacée qui se formait après chacun de ses soupirs en témoignait. L'adolescent se força à éloigner ses sombres pensées et se résigna à voir le bon côté des choses. Bon, après tout, il avait encore la journée entière pour lui et il pourrait en profiter pour se rendre au restaurant de Shibuya. Rin frémit à cette idée et dévoila ses canines proéminentes pour baver d'impatience.
Jusque là perdu dans sa rêverie de calmars frits et de ramen, il n'entendit pas l'appel à l'aide au loin. Puis quelque chose l'extirpa de ses songes. Un cri attira son attention. Rin redressa subitement la tête, les pupilles dilatées. Une voix féminine. Des hurlements.