HELP

Alors que la nuit était pratiquement tombée à présent, Kaori déambulait toujours seul dans les allées du festival. Une pomme d’amour dans la main droite, son sac en bandoulière sur l’épaule gauche, il se frayait un chemin dans la foule, observant distraitement les différents stands qui bordaient le passage. Ici, une petite baraque proposait des dizaines de porte-clés clinquant à l’effigie de héros de manga célébrées. Un peu plus loin, une bonne femme vantait les mérites des ses délicieux pains melons tout chauds. Le jeune homme s’attarda devant un autre stand qui proposait des produits divers à l'image d’idoles populaires en ce moment. Par simple curiosité, il chercha à repérer des visages familiers. Bien sûr, le sien n’était pas parmi les articles, mais il reconnu entre autres quelques membres de Starish et d’autres idoles de l’agence. Il ne su trop s’il était déçu ou soulagé. D’un côté, il méprisait cet aspect de la popularité, mais d’un autre… c’était gratifiant de se savoir reconnu au point que les gens souhaitent arborer votre frimousse jusque sur leurs tapis de souris.

Il s’éloigna à petits pas, slalomant entre les corps des autres passants, mordant dans sa pomme jusqu’à ce qu’il n’en garde plus que le bâton couvert de caramel. Ses doigts et ses lèvres étaient collants et couverts de sucre. Il balança le déchet dans la poubelle la plus proche et tira un mouchoir de papier de sa poche pour s’essuyer dans bien que mal les doigts et la bouche. Priant pour qu’il n’en reste pas, il jeta le tissu souillé également, et repris sa prospection. Un peu plus loin, un stand de tir à la carabine attira son attention. Kaori n’était clairement pas un passionné d’armes, mais il se souvenait trop bien y avoir joué enfant, avec son frère ainé. Bien plus posé et patient que ce dernier, il était toujours meilleur à ce jeu, et gagnait souvent des peluches et autres babioles inutiles.

Rêvassant un peu à ce passé infantile, il s’approcha de la baraque. Une jeune fille en yukata tendait déjà quelques pièces au gérant qui lui tendit une carabine en retour. Elle la pris en main, visiblement surprise par le poids, et s’approcha du comptoir pour tirer un coup maladroit qui se perdit dans l’ombre du fond du stand. Le jeune homme pouffa doucement tandis qu’elle se repositionnait gauchement pour tirer à nouveau.

« Si tu te places comme ça, tu ne seras jamais précise ! » Lança le chanteur en s’approchant d’elle, posant une main sur le canon de l’arme, avant d’offrir avec un sourire amical. « Je peux peut-être t’aider. Sans vouloir me vanter, je suis plutôt bon à ce genre de jeu. »

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T’es trop con Kaori, t’es vraiment trop con.

La phrase tournait dans sa tête, encore, encore, comme une vieille cassette qui se rembobine sans cesse. Pourquoi ? Pourquoi venait-il abordé une pauvre jeune fille comme ça, pour lui proposer son aide, sous entendant ouvertement son incapacité à tirer correctement ? C’était tellement détestable de sa part. Ses joues s’empourprèrent instantanément, tant de honte que d’embarra. Il vint vivement plaquer une main froide sur son visage brûlant, comme pour apaiser vainement le feu de sa gêne. Il était horrifié à l’idée d’avoir blessé son interlocutrice. Elle ne répondit pas dans un premier temps, et l’expression de son visage était indéchiffrable. Imbécile.

« Cela ne me dérangerait point... » Finit-elle pas répondre, d’une voix calme. Le chanteur fut un peu surpris par sa réponse plus que polie. Relâchant le canon d’une main moite, il fourra sa main dans sa poche et en sorti deux pièces qu’il échangea contre une carabine.

L’arme en main, le jeune homme s’accouda au comptoir et ferma un instant les yeux. Qu’il aurait l’air idiot, le bougre, s’il loupait sa cible alors qu’il venait à l’instant de faire une remarque à une pauvre inconnue. Lentement, ses paupières se soulevèrent à nouveau. En face de lui, quatre cadre de bois, renfermant chacun un ballon de baudruche colorée. Hésitant, il pointa son canon vers le plus à gauche, plaça son œil dans le viseur et ajusta son tir avec application. Il sentait le regard de la fille sur sa nuque, et ses joues le brûlèrent à nouveau. Pourquoi avoir montré tant d’audace si soudainement ? Agacé contre lui-même, il se reconcentra sur sa cible et appuya sur la gâchette presque aussitôt. Le coup parti dans un fracas et le ballon de baudruche éclata. Soupir. Il avait réussi.

Un peu ragaillardi, il tendit son arme à la jeune fille, l’encourageant à la prendre. Il lui restait quatre balles à l’intérieur. Si elle touchait encore trois cibles, elle gagnerait un prix. Tandis qu’elle se saisissait de la carabine, Kaori se plaça maladroitement à ses côtés.

« Alors, appuie-toi sur le comptoir, ça sera plus facile et comme la carabine est lourde, ça t’empêchera de trembler. Voilà, comme ça. » Il se pencha en avant à son tour, soutenant le bout du canon pour le maintenir droit. « Maintenant, ta main droite sur la crosse, avec un ou deux doigts sur la gâchette, et l’autre bras soutient l’avant du fusil, comme le mien, essaye de reste le plus statique possible. Concentre-toi sur ta cible, vise en regardant dans la lentille sur le dessus, en fermant un œil, ce sera plus commode. » Tandis qu’elle s’exécutait, il se observa ses mouvements, un peu fébrile, comme s’il était lui-même le tireur. « Détend-toi, et quand tu te sens prête, appuie sur la gâchette et explose moi ce ballon ! »  

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Suivant les conseils de Kaori, la jeune fille se concentra un instant avant de presser la gâchette d’un geste un peu tremblant. Le coup parti dans un claquement sec et vint frapper le ballon au fond du stand, l’éclatant sans plus de semonce. Le jeune homme serra le point en signe de victoire. La jeune fille paru ravie. Laissant l’arme, elle s’en retourna vers le garçon, fixant sur lui ses grands yeux turquoise.

« Merci de votre aide... Que voulez-vous en échange. »

Kaori eu un mouvement de recul. La question avait terminé de l’embarrasser. Les joues rouges comme jamais, il se gratta l’arrière du crâne de plus belle, le regard fuyant. Comme s’il voulait quoi ce soit en compensation, c’était juste un peu d’aide après tout, il ne prétendait pas à une récompense. Ne sachant que dire, il bafouilla quelques syllabes mais fut interrompu par le gérant du stand qui tendait un prix vers eux d’un geste nonchalant. Soulagé, le chanteur s’empara de la peluche et la tendit précipitamment à la jeune fille.

« J-je n’attend absolument rien en retour, évidemment, c’était simplement un plaisir de t’aider ! » S’écria-t-il avant de se calmer un peu. « Je m’appelle Terashima Kaori. Enchanté cette fois, et désolé de t’avoir semblé incongru, ce n’était pas mon attention. Mais je jouais souvent à ce jeu avec mon frère, et je me suis dis que ça pourrait t’aider si je te montrais… enfin. Pardon. »

Le regard de Kaori glissa lentement vers ses pieds. Il se sentait drôlement bête maintenant, ne sachant que dire de plus à la jeune fille. Il avait brusquement envie de s’éclipser pour retourner se fondre en silence dans la silence. Fuir, comme toujours, et se cacher dans son anonymat. Il avait beau avoir fait ses débuts depuis plusieurs mois, on ne le connaissait pas suffisamment pour qu’il soit reconnu en pleine rue. C’était bien le seul avantage à vrai dire. Avec le peu de travail dont il écopait, il avait un peu de mal à boucler les fins de mois, surtout avec un Rin à la maison. Sans compter que dans l’ensemble, on ne lui offrait que des jobs assez peu intéressant, des petits rôles, les travaux inutiles et sans intérêt dont personne ne voulait. Kaori n’avait ni le tempérament ni la positon pour les refuser, lui. Cela faisait de lui le parfait bouche-trou. La fille ne disait rien, ne faisant qu’augmenter le malaise de Terashima qui se dandina vainement, songeant machinalement à divers plans de retraite, s’imaginant détaler sans un mot et disparaître parmi les badauds. Impossible, n’est-ce-pas ? Fichue éducation, il aurait bien préféré être un con sur ce point.

HELP

La jeune fille finit pas tendre timidement la main pour prendre la peluche avant de baisser les yeux, silencieuse. Kaori poussa un petit soupir. Elle semblait aussi gênée que lui. Le silence s’installa entre eux deux et le brouhaha ambiant les enveloppa. La foule continuait de se déverser dans l’allée, le monde continuait d’avancer tandis que les deux jeunes gens s’observait, ne sachant que dire, ne sachant comment se dépêtrer de cette drôle de situation.

« Je suis Kijisaki Haruna, enchantée... Vous n'aviez pas à vous excuser. C'est moi qui devrai m'excuser, je vous ai dérangé. Si je n'avais pas pensé à jouer à ceci, vous ne seriez jamais venu me voir pour y perdre votre temps. Et pour cela, j'en suis vraiment navrée. »

Le garçon sursauta. Que racontait-elle enfin ? Elle n’allait pas culpabiliser d’avoir voulu jouer à un jeu. Et puis si Kaori l’avait aidé, c’est parce qu’il l’avait voulu, il aurait aussi bien pu continuer de marcher sans s’attarder. Cette Kijisaki était étrange tout de même, il n’y avait rien de répressible à vouloir s’amuser. Réfléchissait-elle toujours à deux fois avant de faire quelque chose, de peur de potentiellement déranger une personne ? Cette pensée fit rire intérieurement le garçon. Elle avait l’air drôle, cette fille.

« Mais non enfin, c’est moi qui me suis imposé pour t’aider, tu as le droit de jouer, et puis ça ne m’a pas dérangé le moins du monde ! Et... tu peux me tutoyer, je préfère. »

Deux personnes faisaient la queue derrière eux, semblant attendre leur tour pour jouer. Comprenant qu’ils occupaient l’espace devant le comptoir, empêchant les autres de s’approcher, il fit un petit signe de la main en direction de l’allée, invitant son interlocutrice à s’écarter pour laisser le champ libre. Il s’était un peu détendu. Après tout, il était seul, maintenant qu’il était là, autant profiter de la présence de la jeune femme. Il devait juste tâcher de ne pas avoir l’air d’un pervers, ou ce genre d’individu. Il ne craignait qu’une chose, qu’elle interprête mal ses manœuvres, un peu comme cette fille, l’autre jour, dans le métro, qui l’avait accusé d’avoir touché son popotin, alors qu’il n’aurait jamais osé. Kaori se sentit rougir à ce souvenir. Il avait essuyé de longues minutes de reproches et de regards réprobateurs de la part des usagers, avant de parvenir enfin à descendre de la rame.

« Et bien Kijisaki-san, puisque nous sommes ici… » Commença le garçon en s’éloignant un peu dans l’allée. « Tu veux jouer à d’autres jeux ? Ou manger quelque chose ? »